NÎMES Jean-Pierre Améris : "Donner confiance aux gens, je me sens investi de cette responsabilité"
Jean-Pierre Améris est l’invité du festival Un réalisateur dans la ville qui se déroulera du 23 au 26 juillet 2023. Le réalisateur lyonnais reconnu par la profession avec plusieurs prix, notamment au Festival de Cannes, et quelques belles reconnaissances critique à la fois de la presse et du public, a déjà dans sa filmographie de nombreuses pépites : Mauvaises fréquentations, C’est la vie, Je m’appelle Elisabeth ou encore Les émotifs anonymes, porté par Isabelle Carré et Benoit Poelvoorde et Une famille à louer en 2015. Le petit plus, Jean-Pierre Améris présentera en avant-première son dernier film Marie-Line et son juge, avec Louane Emera, Michel Blanc, le 27 juillet au cinéma CGR de Nîmes. Interview.
ObjectifGard : Connaissiez-vous le festival Un réalisateur dans la ville, avant d'y être invité ?
Jean-Pierre Améris : Je le connaissais de réputation. Je trouve que, vraiment, c'est une belle idée. Il ne m'est jamais venu à l'esprit qu'on puisse un jour m'y inviter. Quand je vois la liste des réalisateurs qui m'ont précédé, nombreux sont ceux que j'admire. Bertrand Tavernier, Jean-Paul Rappeneau, Claude Chabrol et autres. Alors quand Sophie Rigon (présidente du festival) et Philippe Leguay (président d'honneur du festival) m'ont invité, je me suis senti très flatté. Et j'adore l'idée des projections en plein air, du public familial et de la rétrospective. C'est toujours très émouvant pour un réalisateur d'avoir l'occasion de passer des films un peu anciens et de pouvoir les montrer à nouveau au public.
Justement, en ce qui concerne ces films, et alors que votre filmographie en compte une vingtaine, comment avez-vous fait votre choix ?
On y a réfléchi avec Sophie Rigon et Philippe Leguay. On a privilégié les films les plus légers, les comédies. Notamment Les émotifs anonymes avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré, qui fait l'ouverture du festival. Mais aussi Les folies fermières... J'avais envie d'une ambiance plus légère, d'offrir au public des films plus joyeux. Et puis aussi un film plus spectaculaire : L'homme qui rit.
Ce ne sont pas les plus anciens de votre filmographie...
Le plus ancien doit être L'homme qui rit qui date de 2012. Philippe Leguay avait très envie que l'on passe C'est la vie (2001) avec Jacques Dutronc et Sandrine Bonnaire, mais le sujet sur la fin de vie est un peu sombre. Ce n'est pas l'ambiance que je voulais. J'ai envie de transmettre aujourd'hui, en vieillissant, quelque chose de joyeux.
Vous parlez de transmission, c'est aussi ça le festival Un réalisateur dans la ville. À quel point est-ce important pour vous ?
L'échange avec le public, pour moi c'est capital. Pour tous mes films, je fais beaucoup de rencontres-débats avec le public. Je suis très content qu'il y ait cette master-class le 26 juillet, autour d'un film fait pour la télévision et adapté d'un roman d'Émile Zola, La joie de vivre. Nous serons deux d'ailleurs, avec Muriel Magellan, la scénariste du film. J'ai toujours aimé raconter le cinéma, notamment au jeune public. Dire que le cinéma, c'est aussi un artisanat. On fait un film presque avec ses mains, on le fabrique. Ça prend quatre ans pour faire un film, de l'écriture jusqu'à sa sortie. Je me rends compte en prenant de l'âge que le vrai bonheur, c'est la fabrication. Je me dis qu'il y a toujours une fille ou un garçon dans le public, qui en m'écoutant se dira : tiens, c'est aussi ma passion et cet homme me dit que c'est possible.
L'écriture d'un film, pour vous, ça part de quoi ?
Ça peut venir d'une situation très autobiographique comme Les émotifs anonymes. Ça existe, comme les alcooliques anonymes. J'y suis allé deux ans autour des années 2000, parce que dans ma vie j'ai souffert d'une grande timidité, presque de phobie sociale. Et une fois que j'ai réussi à surmonter cette peur du social, des autres, j'ai eu envie de faire un film qui donne confiance. D'aborder le sujet par la comédie, sans me moquer des personnages, et en montrant que l'on peut surmonter ses peurs. Je pensais à l'époque être le seul à avoir peur dans les situations sociales ou mondaines, mais on se rend compte que tout le monde a peur du regard d'autrui, d'être ridicule. Pour moi, faire un film comme Les émotifs anonymes ou Marie-Line et son juge, c'est donner confiance aux gens, je me sens investi de cette responsabilité. Qu'en sortant de mes films, les gens aient envie d'aller à l'assaut de la vie.
"Malgré toutes les difficultés, on peut toujours reprendre le contrôle de sa vie, rien n'est gâché."
Jean-Pierre Améris, réalisateur
Vous évoquiez Marie-Line et son juge, votre dernier film qui sortira le 11 octobre et que vous présenterez en avant-première à Nîmes, le 27 juillet, au cinéma CGR. Vous nous en parlez un peu ?
C'est un film adapté d'un roman de Muriel Magellan (Changer le sens des rivières, NDLR). C'est la rencontre d'une jeune femme qui est partie dans la vie sans avoir les meilleures cartes en mains, avec un juge un peu misanthrope qui l'engage comme chauffeuse. Cette rencontre va apporter à la jeune femme une confiance. C'est un message que je veux transmettre : malgré toutes les difficultés, on peut toujours reprendre le contrôle de sa vie, rien n'est gâché.
Louane Emera joue Marie-Line. Ce choix a été une évidence ?
C'est vraiment écrit pour elle. L'idée de proposer ce film à Louane est venue pendant l'écriture du scénario. Je ne la connaissais pas mais les éléments de sa vie qu'elle raconte, son hyperactivité qui lui a beaucoup nuit à l'école, la perte de ses parents en un an de temps, faisaient qu'il y avait beaucoup de points en commun avec le personnage. Louane, c'est l'exemple même d'une fille qui part en effet avec des difficultés dans la vie mais qui en même temps a une telle pulsion de vie, une telle joie de vivre, une telle envie d'en découdre, qu'elle a réussi au-delà de toutes espérances.
Quant à Michel Blanc, j'ai l'impression que les réalisateurs s'amusent avec lui en personnage bougon. On a pu le voir aussi dans le film de Mélanie Auffret, Les Petites Victoires(*)...
(Rires) Vous savez, on filme les acteurs, les actrices, aussi pour ce qu'ils sont. Michel Blanc met beaucoup de lui-même dans les films, un peu bougon, râleur mais il cache des trésors de tendresse. J'aime filmer des gens pour lesquels j'ai de l'affection et en faire de beaux portraits.
Vous-même, vous n'avez jamais eu envie de passer devant la caméra ?
Ah non, certainement pas !
*>> VIDÉO. "Les Petites Victoires" : julia Piaton et Mélanie Auffret en interview.
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