ÉDITORIAL Emmanuel Macron et les impôts, toute une histoire
La hausse des impôts est devenue un tabou pour Emmanuel Macron. Bien entendu, personne ne veut que sa feuille d'imposition progresse de quelques centaines d'euros supplémentaires. Oui d'accord, pas les plus faibles revenus, mais les autres ?
Depuis son accession au pouvoir, le chef de l'État a fait des impôts un totem auquel il ne faut pas toucher. Il est vrai que la France est l'un des pays européens - si ce n'est du monde - où l'imposition est l'une des plus fortes. Pour les entreprises d'abord. Et pour les ménages. Sauf que nous sommes le pays assis sur un matelas social inégalé. Une fierté due en grande partie à l'héritage du Front populaire dans les années 1930. Il y a presque 100 ans... Aujourd'hui, les cinq semaines de congés payés, le SMIC ou encore l'Assurance maladie, les retraites par répartition et les indemnités chômages nous offrent le luxe de montrer au monde notre capacité à ne laisser personne sur le bord de la route. Comment tout cela est-il rendu possible ? Par la redistribution issue des prélèvements obligatoires bien sûr. À un certain niveau, ils ne sont plus efficaces car contre-productif pour l'économie. Trop taxées, les entreprises alors font le choix de se délocaliser. Ou usent de tous les artifices pour faire de l'invasion fiscale ou des placements permettant tous types de réduction. Mais aujourd'hui, les temps ont changé. L'Europe toute entière doit faire face à une crise énergétique, à une inflation galopante. Il est donc moins évident qu'avant de faire ses valises chez l'un de nos voisins. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2019, une directive relative à l’évasion fiscale a été adoptée au sein de l'UE. Elle vise à empêcher les entreprises de développer des dispositifs leur permettant de diminuer leurs charges fiscales en profitant des différences de législation entre les pays. Selon ce texte européen, les revenus transférés par les entreprises dans des pays caractérisés par leurs faibles taux d’imposition où elles n’exercent pas d’activité économique réelle doivent être taxés par les États membres. Alors, pourquoi Emmanuel Macron est-il si frileux à augmenter les impôts ? Il s'agit clairement d'un manque de volonté politique. Pourtant, il a moins de scrupule à exiger des efforts des collectivités locales, derniers remparts de la représentation politique crédible aux yeux des gens. Il devrait ouvrir plus grand les siens... D'autant qu'une frange de la population a certainement les moyens aujourd'hui de passer un peu plus à la caisse. L'effort national demandé à tous pour travailler plus longtemps, discuté en ce moment à l'Assemblée nationale et déploré dans la rue, devrait donc être soutenu par une compensation attendue chez les plus hauts revenus. Sinon comment faire pour maintenir un modèle social viable ? Comment respecter la promesse d'un pays qui a toujours fait de la place, y compris à ceux qui ont connu un accident de la vie, un moment compliqué dans son activité professionnelle, un bouleversement familial ? Comment répondre alors à l'exigence de prise en charge de nos aînés face à une perte d'autonomie dans une Europe vieillissante ? On ne peut pas à la fois rogner des acquis sociaux, abandonner des services publics et mettre son doigt sur la couture du pantalon quand il s'agit de taxer davantage les plus riches dans un moment si difficile...
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