FAIT DU JOUR Producteur de Reinettes du Vigan, Jean-Philippe Guibal a été contraint de diversifier son offre
Au bord de la départementale 999, à Saint-Julien-de-la-Nef, difficile de rater le magasin de la famille Guibal, qui affiche noix, châtaignes et diverses variétés de pommes, dont la fameuse pomme Reinette du Vigan. Si sa production se révèle plus compliquée avec la sécheresse, elle reste la variété emblématique du territoire et conserve de nombreux amateurs. Mais Jean-Philipe Guibal est fataliste sur son devenir.
Des noyers, des pommiers, des cognassiers et le magasin de vente, immanquable, avant ou après le radar automatique du bord de route. La famille Guibal est blottie à proximité de son verger depuis de nombreuses années, au Mas Neuf (1) sur la commune de Saint-Julien-de-la-Nef. "Ça fait 40 ans que je cultive de la Reinette", annonce le propriétaire des lieux, qui raconte comment cette pomme, exquise en dessert ou en compote, avait déjà sa place à la table de Louis XIV. "Mais au début du XVIIIe siècle, elle ne marchait pas du tout." Des greffons seraient alors partis au Canada, pour diffuser l'espèce.
Les vergers de Reinette du Vigan de la propriété Guibal datent de 1993. "À coté, j'en ai planté d'autres, de cinq variétés différentes. Avant, je ne faisais que de la Reinette et de la Golden, mais il a fallu diversifier l'offre", explique Jean-Philippe Guibal. Même si la star des lieux conserve ses amateurs. "Elle reste demandée par des clients qui n'aiment que cette variété. À cuire, elle dégage des arômes qu'aucune autre ne possède tout en gardant ses qualités. Et pour la manger à la main, il reste quelques amateurs." Alors que les goûts se portent souvent, désormais, vers des variétés plus craquantes, "plus fermes. Comme la Dalinette, la Royal gala ou la Goldrush".
"En tout, j'ai 2,5 hectares en production, pour environ cent tonnes de pommes et cinq de poires. En Reinette, j'ai environ un hectare qui donne environ 50 tonnes. La Reinette risque de devenir un fruit oublié. C'est une pomme de niche, désormais, insiste Jean-Philippe Guibal, parce qu'elle manque de consommateurs." Difficile à croire quand on voit les myriades de promeneurs du dimanche qui descendent de l'Aigoual, en n'omettant pas de repartir avec une cagette de production locale. "Mais il n'y a que les restaurants gastro ou semi-gastro qui travaillent la Reinette. Moi, par exemple, je n'ai pas de client restaurateur à Montpellier..."
"L'eau et le réchauffement deviennent un problème"
Jean-Philippe Guibal
Aux questions de goût s'ajoute celle du climat : avec une peau fine, la Reinette résiste mal aux canicules que nous connaissons régulièrement. "L'eau et le réchauffement deviennent un problème. On va essayer de parer ça avec un gilet pare-grêle, pour atténuer le soleil. Ça fait perdre entre 2 et 3 degrés." La colère point quand Jean-Philippe Guibal évoque le sujet de l'eau, sensible autour du fleuve Hérault. "Aujourd'hui, l'ensemble de l'agriculture du Viganais consomme 400 000 m3 pour l'irrigation. 100 000 m3 sont déja stockés. On demande 200 000 m3 supplémentaires pour avoir une capacité suffisante. Mais on se confronte à la DDTM et à l'OFB (2). Je leur propose d'aller voir au Maghreb, en Israël ou en Andalousie comment ça fonctionne... Quand il pleut 300 mm, il serait suffisant qu'on pompe pendant quatre jours."
Pour Jean-Philippe Guibal, retenir l'eau est la seule soluton pour que perdurent les vergers de Reinette, de Saint-Julien à Arphy, en passant par Valleraugue. "J'y crois encore, conclut-il, mais ça va dépendre des contraintes administratives et environnementales." En attendant, les producteurs comptent faire passer un message, ce dimanche, lors de la fête de la pomme et de l'oignon doux des Cévennes (relire ici), au Vigan, à Carole Delga, qui devrait partager le repas avec eux. La région Occitanie, qu'elle préside, est en effet l'instance qui peut aider au financement de ces fameuses retenues d'eau.
(1) www.lemasneuf.com
(2) DDTM : direction départementale des territoires et de la mer. OFB : office français de la biodiversité.
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