Publié il y a 2 mois - Mise à jour le 05.07.2024 - Louis Valat - 7 min  - vu 1309 fois

FAIT DU SOIR Les étonnantes positions politiques des jeunes Alésiens

Photo d'illustration. Droits réservés.

Il paraît que les jeunes sont désintéressés de la politique et du monde qui les entoure, figés sur leurs smartphones, incapables de tenir une discussion de plus de cinq minutes sans évoquer la dernière trend sur TikTok ou le dernier outfit de Kylie Jenner. Et pourtant, détrompez-vous : ils ont bien plus à dire. Il suffit simplement de les écouter...

Il y a deux ans, lors des élections présidentielles de 2022, une étude de l’Institut Montaigne, réalisée auprès de 8 000 jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans, révélait une profonde désaffection de cette tranche d'âge pour les partis politiques et les idéologies traditionnelles. Comme l’ont rapporté nos confrères du Monde, cette enquête mettait en lumière le fait que 43 % des jeunes sondés ne se sentaient pas en mesure de se positionner sur l’échelle politique "gauche-droite", tandis que 55 % ne pouvaient indiquer de préférence partisane. Parmi eux, 36 % avouaient ne pas connaître suffisamment les partis et 19 % estimaient qu’aucun ne correspondait à leurs choix.

Deux ans plus tard, en ce début d’été 2024, force est de constater que la situation a considérablement évolué. Quelle est la réalité aujourd'hui ? Pour la saisir, nous nous sommes rendus dans les rues de la sous-préfecture, à Alès, à la rencontre de ces jeunes. S'ils ne votent pas tous encore, tous s'accordent au moins sur un point : la politique suscite grandement leur intérêt et le droit de vote est perçu comme un devoir primordial, plutôt qu’un simple privilège. Comme le dit l’un d’eux, tel un auteur d'un siècle passé : « Se plaindre des choix faits par les autres n'a de sens que si nous avons nous-mêmes participé à leur élaboration. »

Le premier tour des élections législatives de 2024, tenu le 30 juin, a connu une affluence historique avec 32 millions de votants, représentant 66,67 % de l'électorat. Malgré leur traditionnelle abstention, les jeunes se sont mobilisés en nombre. • Photo d'illustration. Droits réservés.

La montée en puissance du Rassemblement national parmi les jeunes alésiens

Autrefois, le slogan « La jeunesse emmerde le Front National » avait trouvé un large écho, notamment lors des élections présidentielles de 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen accédait au second tour face à Jacques Chirac. Ce cri de ralliement, particulièrement fort sur le bassin alésien et dans les Cévennes, semblait incarner un rejet clair du Front national. Aujourd'hui, à l'approche du second tour des législatives anticipées, ce message semble moins audible. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement un désengagement politique de la part des jeunes. Au contraire, une dynamique nouvelle mérite d’être examinée.

Le phénomène le plus marquant de cette évolution est sans doute l’émergence de Jordan Bardella, président du Rassemblement national, comme une figure influente sur TikTok. Cette plateforme, prisée par les adolescents et les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans, joue désormais un rôle crucial dans la formation des opinions politiques. Un sondage pré-électoral de l’IFOP, publié le 16 mai dernier, révèle que le Rassemblement national est devenu un choix politique dominant parmi les jeunes de 18 à 25 ans.

Un soutien croissant parmi les jeunes alésiens

Dans les rues de la porte des Cévennes, à Alès, une tendance nouvelle semble se dessiner. Alors qu’en 2022, la victoire du député Insoumis Michel Sala semblait symboliser un mouvement de résistance, le soutien à des figures du Rassemblement national est aujourd'hui de plus en plus manifeste, même parmi ceux qui n'ont nécessairement pas encore le droit de voter. Emma, 17 ans, bien que non-électrice, exprime que son vote serait allé pour Pierre Meurin, le candidat RN de sa circonscription. Selon elle, « l'arrivée du RN au pouvoir pourrait apporter davantage de sécurité, en rétablissant des règles et un cadre clair pour tous. [...] Nous acceptons des personnes prêtes à contribuer positivement, mais nous devons aussi éviter ceux qui cherchent à profiter du système. Je pense qu'il est essentiel de soutenir ceux qui souhaitent réellement aider la France et de ne pas les laisser être entachés par ceux qui sont là pour foutre le bazar. »​​​​​​

Sympathisant du Rassemblement national lui aussi, Lucas, 22 ans, a quant à lui exercé son droit de vote dimanche dernier et prévoit de le faire à nouveau ce week-end. Ce jeune électeur trouve que la réforme des retraites est une injustice pour les jeunes et voit dans le RN un parti capable de faire évoluer les choses en faveur de sa génération : « Nos aînés ont travaillé pour nous offrir un avenir. Aujourd'hui, imposer une retraite à 67 ans est inacceptable. Je crois que le Rassemblement national est le seul parti qui peut réellement faire avancer notre cause, et qui offre le plus de perspectives pour l'avenir de notre génération. »

Entre tradition et réforme : une jeunesse alésienne au service aussi des Républicains et du Nouveau Front populaire

Si le Rassemblement national attire de plus en plus la jeunesse, d’autres partis comme Les Républicains et le Nouveau Front Populaire continuent également de mobiliser des jeunes électeurs, bien que sous des dynamiques et des perspectives très différentes. Nous avons rencontré deux jeunes militants, Théo, 17 ans, pour Les Républicains, et Numa, 21 ans, pour le Nouveau Front Populaire, pour comprendre leurs motivations et leurs espoirs pour l’avenir.

Des jeunes alésiens engagés, c’est aussi voir Médine dans les manifestations ! • Photo Louis Valat

Le premier nommé, Théo, est membre des Républicains depuis l’âge de 16 ans. Il exprime une vision de la politique fondée sur les valeurs gaullistes et la République traditionnelle. Selon lui, ces valeurs sont la « bonne voie » et permettent de maintenir un équilibre démocratique. Théo explique : « Ce sont des valeurs gaullistes, incarnant une République traditionnelle, mais pas dans un sens conservateur. Je pense que le résultat des élections, même s’il peut nous déplaire, est un reflet de la démocratie et il est important d'écouter le peuple. Ce qui me dérange aujourd’hui, c’est la montée de la violence dans les débats politiques, surtout sur les réseaux sociaux. La fracture entre les différentes opinions est de plus en plus marquée, et cela me touche profondément. Ce n’est pas la France que je voudrais, où, malgré nos divergences politiques, nous formons une nation unie et où la paix doit primer. »

« Le bassin alésien est une terre de Gauche, de mineurs qui ont travaillé dur toute leur vie. Aujourd'hui, les six circonscriptions du Gard sont en train de se faire dévorer par le Rassemblement national, car la population ne se reconnaît plus dans les partis traditionnels comme le PS ou les LR. Le Parti communiste, qui faisait de bons scores ici par le passé, s'est détourné, lui aussi, des problématiques locales en se concentrant sur des enjeux mondialistes et métropolitains, ce qui a nuit à son influence. »

Théo, 17 ans, sympathisant Les Républicains

À l’opposé, le second, Numa, 21 ans, est un militant actif du Nouveau Front populaire et adhérent du Parti communiste. Il a été impliqué dans diverses campagnes, y compris les élections européennes de 2024, et vient d’une famille aux fortes convictions de Gauche. Son regard sur la situation politique est marqué par une profonde inquiétude, lui aussi : « Je suis préoccupé par l’évolution politique en France. L’augmentation du soutien à l’extrême-droite me semble être une réponse de révolte, souvent sans véritable argumentation. Ce phénomène, que l’on observe également en Italie et en Hongrie (où il s'est rendu, NDLR), est inquiétant car il traduit un discours politique qui cherche à exploiter les émotions des gens pour gagner des voix. Ce climat me paraît dangereux et me pousse à m’engager davantage pour une politique plus juste et équitable. »

L'intérêt des jeunes pour la politique : une réalité souvent méconnue

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les jeunes ne sont pas de simples spectateurs de la vie politique. Bien que souvent submergés par l'actualité et les réseaux sociaux, ils montrent un véritable intérêt pour les enjeux politiques. Pour illustrer ce dynamisme, prenons l'exemple d'Emma, future électrice du Rassemblement national, qui explique : « Cette année, j’avais même demandé à notre professeur d’Histoire s’il pouvait nous parler de politique et nous aider à nous y intéresser. Il m’a répondu que c’était prévu en troisième. Mais à cet âge-là, tout le monde s'en fiche. Avec l’abondance d’informations et de désinformation sur les réseaux sociaux, le manque d’enseignement neutre à l’école fait que nous sommes souvent influencés par ce qu’on entend, sans réellement comprendre les enjeux. » 

Pierre représente une partie de l’engagement des jeunes alésiens (ici communistes). • Photo Louis Valat

Le succès de la chaîne YouTube HugoDécrypte en est une preuve : avec près de 917 millions de vues cumulées, elle attire une large audience jeune en abordant la politique, l’actualité et les enjeux sociétaux. Noa*, un jeune spectateur, partage son expérience : « J’en ai un peu marre que l’on nous dise que nous sommes toujours sur nos téléphones et que nous ne nous intéressons pas à l’actualité. Tous les soirs je regarde HugoDécrypte avec ma tablette, et je passe des heures à regarder des vidéos de Konbini ou de Brut, même lorsqu’il s’agit de politique. On utilise pas nos téléphones seulement pour des conneries ! C’est d'ailleurs de cette manière que je développe mon esprit critique. » 

Les jeunes d'Alès ne sont pas désintéressés par la politique ; ils évoluent simplement dans un contexte différent. Les dernières élections législatives ont bien illustré cet engagement : une mobilisation massive de jeunes militants au sein des trois principaux blocs politiques – Ensemble, Nouveau Front populaire, et Rassemblement national – témoigne de leur volonté de s'impliquer dans le processus politique. Pierre, 17 ans et secrétaire départemental des jeunes communistes gardois, observe : « La jeunesse s'est démobilisée par rapport à la politique à un moment donné, oui, mais c'est aussi le résultat de stratégies politiques assumées. Tous nos gouvernants ont cherché à complètement désolidariser la jeunesse de leurs discours en la méprisant et en affirmant qu'elle n'y connaît strictement rien. Or, aujourd’hui, on voit bien qu’elle tend à reprendre la main et cherche à faire en sorte que la politique soit un moteur pour vivre mieux. »

« Allez voter, peu importe le parti. C’est notre jeunesse qui a les clés de l’avenir, pas les retraités qui ne seront plus là dans 40 ans. Nous serons encore là, donc c’est à nous de faire entendre notre voix pour façonner notre futur. »

Numa, 21 ans, encarté au Parti communiste

La campagne éclair des législatives a entraîné les jeunes alésiens dans un tourbillon d’activités politiques intenses. Au sein des trois principaux blocs politiques – Ensemble, Nouveau Front populaire et Rassemblement national – la dissolution de l’Assemblée nationale a déclenché une vague d’adhésions et une mobilisation accrue. Tracts, appels téléphoniques, porte-à-porte… Ils se retrouvent quotidiennement sur le terrain, nourris par l’espoir de voir leur parti remporter la majorité des sièges lors des scrutins. La politique n’est pas morte chez les jeunes, elle se transforme. Alors que les générations futures reprennent le flambeau, il est grand temps de leur faire une place sur la scène politique...

*À la demande de l'intéressé, le prénom a été changé dans l'article.

Louis Valat

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