Publié il y a 3 mois - Mise à jour le 16.06.2024 - Norman Jardin - 6 min  - vu 1016 fois

FAIT DU JOUR Gérard Banide, la mémoire gardoise de l’Euro 84

Gérard Banide est le seul gardois à avoir participé à l’Euro 1984

- Photo : Norman Jardin

Alors que l'Euro a commencé vendredi et que l’équipe de France de football débute demain son Championnat d’Europe des nations face à l’Autriche (à 21 heures), les Bleus fêtent les quarante ans de la victoire de l’Euro 84. Quatre décennies plus tard, l'Uzètien Gérard Banide, qui était alors entraîneur-adjoint de Michel Hidalgo, se replonge dans ses souvenirs. Rencontre avec un technicien pas comme les autres.

« Il ne pouvait rien nous arriver ! Je n’ai pas ressenti de pression. Nous avions une confiance en nous. On était costaud dans toutes les lignes ». Quarante ans après la mythique victoire de l’équipe de France de football, un Gardois se souvient ce cette époque bénie du sport français. En cet été 1984, les Bleus étaient au sommet de leur art et probablement sur le toit du monde. Jamais l’équipe de France n’a peut-être été aussi forte. Au cœur de ce moment fondateur du football français, se trouve Gérard Banide (87 ans aujourd'hui), installé à Uzès depuis plus de 30 ans. L’entraîneur-adjoint (et aussi en charge des gardiens de but) de Michel Hidalgo est né un 12 juillet, ce qui pour les fans de football fait surtout référence à la première Coupe du Monde remportée par la France en 1998.

« L'inauguration de la Beaujoire et le 5-0 contre la Belgique, c’est un très beau souvenir »

Mais revenons à ce fameux championnat d’Europe des Nations de 1984 : « La première image qui me revient c’est l’inauguration du stade de La Beaujoire (à Nantes, NDLR) avec une victoire 5-0 contre la Belgique. C’est un très beau souvenir, le stade était magnifique », se rappelle Gérard Banide. Cette compétition est une sacrée aventure puisqu’elle intervient deux ans après le Mondial espagnol où les Bleus se sont révélés au monde. En tant que pays organisateur, la France se doit de justifier son statut de favori d’autant que lors des éliminatoires, l’Italie, les Pays-Bas, l’URSS, la Pologne et l’Angleterre sont passés à la trappe. Après un stage à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales), les Français débutent la compétition par une courte victoire sur le Danemark (1-0) : « C’était peut-être le plus dur à appréhender car c’est le premier », souligne Gérard Banide.

Une magnifique horizontale de Gérard Banide alors gardien de but de l’OAC • Archives privées Gérard Banide

« Sauvés par une action magique de Tigana et Platini »

Ensuite, les Bleus passent la Belgique à la moulinette (5-0) et Michel Platini sauve la France en marquant un triplé face à la Yougoslavie (3-2). Les choses sérieuses commencent en demi-finale avec le Portugal à Marseille. Deux ans après le traumatisme de Séville (élimination aux tirs aux buts face à la RFA), les Bleus sont menés (1-2) à cinq minutes de la fin de la prolongation avant que Domergue et Platini ne donnent la victoire à la France. « Nous avions pris un but de Jordao contre le cours du jeu et ça aurait pu basculer du mauvais côté, mais nous avons été sauvés par une action magique de Tigana et Platini », rappelle l’Uzétien. C’est enfin l’apothéose avec la finale contre l’Espagne et la bévue de Luis Arconada sur le premier but français (57e). Mais Gérard Banide, l’ancien gardien de but, tient à défendre le portier basque.

Gérard Banide avec Michel Platini lors d’un entraînement de l’Équipe de France • Photo : Norman Jardin

« Critiquer Arconada, c’est comme être dur avec un serveur qui renverse un verre »

« Les ballons qui touchent le sol et qui sont près du corps sont les plus difficiles à capter. C’est une faute de main mais Arconada était un grand gardien de but. Le critiquer sur cette action, c’est comme être dur avec un serveur qui renverse un verre ». Les Français parachèvent le chef-d’œuvre avec un second but en fin de match. Il est l’œuvre de Bruno Bellone : « Il a fait preuve de finesse et de grande classe, une réalisation parfaite », analyse le technicien. Viennent alors les célébrations, la liesse et la fête mais sans Gérard Banide : « Je ne suis pas très démonstratif. Le football se résume à ce que l’on fait sur le terrain et à l’entraînement, le reste ne m’intéresse pas. » Mais l’ancien entraîneur veut tordre le coup à une légende.

Gérard Banide fait un footing avec Joél Bats au Mexique • Archives privées Gérard Banide

« Platini ? Même à la belotte et aux boules, il était très fort »

Le vrai sélectionneur était-il Michel Hidalgo ou Michel Platini ? « C’est Michel Hidalgo qui faisait l’équipe. Par exemple, à Nantes contre la Belgique, il avait décidé de mettre Luis Fernandez arrière droit pour avoir un milieu supplémentaire et ça a fonctionné. Il avait suffisamment d’idées pour décider tout seul. En revanche, que Michel Platini lui donne un avis c’était possible et souhaitable ». Michel Platini justement, il était en 1984 le meilleur joueur du monde, mais comment le définir quatre décennies plus tard ? « C’était la technique simplifiée à l’extrême. Il avait une vision qui était étonnante. Il n’avait pas besoin de faire trois contrôles pour donner un ballon. C’était un grand joueur et un gagneur à tous les jeux. Même à la belotte et aux boules, il était très fort. C’est le plus grand joueur que j’ai côtoyé ».

Gérard Banide avec le staff de l’équipe de France lors de la coupe du monde 1986 • Archives privées Gérard Banide

Le champion de France de handball signe à l'OAC

Mais la carrière de Gérard Banide ne se limite pas à cet été 1984. Il y a eu un avant et un après. Même si son accent chantant fait de lui un sudiste, c’est à Paris qu’il voit le jour et c’est d’abord au handball qu’il excelle : « J’ai été champion de France de handball avec le SMUC (Stade marseillais université club, NDLR) à sept, mais il m’arrivait de jouer au handball à onze sur un terrain de football. » La bascule vers le football se fait alors qu’il le pratique pendant son service militaire : « Le Sétois Marcel Tomazover est venu me proposer de faire un essai pour Alès contre Draguignan et j’ai été retenu. » L’aventure cévenole ne dure qu’une vingtaine de matchs en quatre saisons : « Je n’étais pas un grand joueur. »

Champion de France avec l’ASM en 1980, l’Uzétien est félicité par le prince Rainier III de Monaco. • Archives privées Gérard Banide

Un stage à l'école Normale de Nîmes 

C’est tout de même à Alès que Gérard rencontre Jacqueline qui partage sa vie avec lui depuis. « Quand j’ai voulu l’épouser, ma belle mère m’a dit : « Footballeur ce n’est pas un métier », alors moi qui partageait mon temps entre la faculté de droit et les brocantes, avec mon grand-père qui était antiquaire, j’ai décidé de rentrer dans l’enseignement après un stage à l’école Normale de Nîmes. J’ai ensuite passé mes diplômes pour devenir entraîneur et j’étais dans la même chambre que Robert Herbin ».

Pibarot, Firoud, Barlaguet et les autres...

Une nouvelle carrière débute pour Gérard qui fait ses classes à La Grand'Combe avant d’intégrer l’Institut national du football (INF Vichy) créé en 1972. Il y côtoie Pierre Pibarot pour qui il garde un très grand respect : « Il m’a aidé et éduqué au football. C’était un maître sur le plan tactique. À cette époque, les entraîneurs avaient des styles de jeu et ils donnaient une identité à leur équipe. Kader Firoud ne s’intéressait pas au milieu de terrain, Albert Batteux voulait garder le ballon. Avec Robert Domergue, chaque joueur avait une zone, et José Arribas prônait un jeu sans ballon. Pierre Barlaguet était aussi un ami. Nous avions des idées communes avec Michel Hidalgo. Un jeu basé sur la maîtrise du ballon, l’attaque et la défense en zone plutôt que le marquage individuel. »

L’Uzétien confectionne des personnages en bois • Photo : Norman Jardin

Alain Giresse : « Beaucoup de rigueur et d’attention pour ses joueurs »

Parler du jeu et des techniciens, voilà ce qu’aime l’Uzétien. Il faut dire que sa carrière d’entraîneur a été brillante avec un titre de champion de France en 1982 et une Coupe de France en 1980 avec l'AS Monaco et une finale perdue avec l'Olympique de Marseille en 1987. « C’est quelqu’un de très consciencieux, très professionnel avec beaucoup de rigueur et d’attention pour ses joueurs. Il a une approche très simple, très nature et sans détour. On accroche tout de suite avec ce genre d’entraîneur », abonde Alain Giresse, membre éminent du carré magique. Le football c’est aussi des amitiés sincères comme celle qui lie l’ancien entraîneur avec ses joueurs. Avec Joël Bats par exemple, qui vient le voir régulièrement à Uzès.

L’ancien footballeur s’adonne avec succès à la peinture. • Photo : Norman Jardin

Joël Bats : « Il nous a apporté de la confiance et de la sérénité. C’est un homme extraordinaire »

« Il nous a apporté de la confiance et de la sérénité. C’est un homme extraordinaire », insiste l’ancien gardien de but de l’équipe de France. Gérard Banide aime le football mais pas que : « On se lève régulièrement très tôt le matin pour aller dans des brocantes ou des vide-greniers », explique Jacqueline, son épouse. Agile de ses mains quand il était gardien de but, le Gardois d’adoption a conservé une dextérité manuelle. À ses heures perdues, il s’adonne à la peinture artistique, mais aussi à l’écriture, au dessin et à la confection de personnages en bois. Pas pour exposer, juste pour son plaisir ou pour offrir à des amis. 

Cet amateur de chefs d’œuvre n’oublie pas l’Euro remporté par la bande à Hidalgo, ce groupe qui était aussi le sien. Quarante ans plus tard, les héros de 1984, avec Gérard Banide, sont les seuls à pouvoir légitimement se revendiquer comme : « À jamais les premiers ».

Norman Jardin

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